Analyse de marché, Analyse de marché
06/12/2024

En France, à la suite des désaccords sur le projet de financement de la sécurité sociale, le Nouveau Front Populaire (NFP) et le Rassemblement National (RN) ont voté une motion de censure, entraînant la démission du gouvernement Barnier et ouvrant ainsi une nouvelle période d'incertitude. L’option d’un gouvernement technique nous semble être le scénario principal désormais dans la mesure où aucune autre configuration politique ne semble pouvoir réunir une majorité au sein du parlement. Si aucune adoption du PLFSS ou du budget 2025 n'est réalisée d'ici fin décembre, l’article 47 de la Constitution permet de voter une loi spéciale pour reconduire le budget 2024. Bercy serait déjà en train de travailler sur ce texte qui permettrait, mois par mois, de lever le même niveau d’impôts que cette année, de lever de la dette sur les marchés, de contribuer au budget européen et de poursuivre les dépenses publiques en procédant par ordonnances. Sans mesures rectificatives, ce scénario entraînerait une aggravation du déficit à -7% selon le précédent gouvernement (vs -6% en 2024 et -5% initialement prévu par Michel Barnier pour 2025). 

Néanmoins, les investisseurs ne semblent pas paniquer car le risque d’impasse budgétaire reste réduit. Ainsi, après avoir augmenté de 10 points de base, l'écart du taux français à 10 ans par rapport au taux allemand s’est resserré autour de 80 points de base et l'indice des actions françaises (CAC40) a progressé, bien que cette hausse soit plus modérée comparée à celle d'autres indices européens.


Dans le reste de la zone euro, les pays périphériques affichent une bonne dynamique, compensant ainsi le sentiment négatif induit par les difficultés économiques françaises et allemandes. Ces pays bénéficient d'une productivité élevée et d'un coût de la main-d'œuvre attractif. Cependant, les tensions politiques en France et en Allemagne pourraient freiner le rebond de l'activité dans la zone euro, ce qui pourrait inciter la BCE à adopter une politique monétaire accommodante en 2025.


De l’autre côté de l’Atlantique, les indicateurs économiques restent solides mais plus modérés, signe d’une économie qui se normalise progressivement. L’ISM manufacturier s’est amélioré (48,4 contre 47,5 attendu) et l’ISM des services reste en-dessous de la barre de 50 mais la publication était moins bonne qu’attendu (52,1 contre 55,7) en raison du ralentissement des nouvelles commandes et de l'emploi. Les statistiques récentes de l'emploi révèlent un marché du travail robuste, avec une augmentation des emplois non pourvus en octobre (7,74 millions contre 7,52 millions attendus). Le ratio entre postes vacants et chômeurs est resté stable à 1,1, reflétant une normalisation progressive du marché du travail. Cependant, la politique migratoire envisagée par D. Trump pourrait engendrer une nouvelle pénurie de main-d'œuvre, ravivant les tensions salariales et inflationnistes. D’autre part, le Beige Book a offert une vision modérée de l'économie, avec une activité stable et un optimisme croissant des entreprises malgré des difficultés à répercuter les hausses de coûts. Dans ce contexte, plusieurs membres de la Fed soutiennent une éventuelle baisse des taux directeurs, mais restent prudents en raison des incertitudes politiques futures. Jérôme Powell souligne que la bonne santé économique donne à la banque centrale du temps pour décider, bien qu'elle doive considérer l'inflation persistante.


En Chine, l’image reste positive mais sans exubérance avec un indice PMI Caixin manufacturier qui progresse pour le deuxième mois consécutif et atteint 51,5, son niveau le plus haut depuis juin, grâce à la croissance des nouvelles commandes. Cette croissance a été stimulée en partie par la crainte de l'instauration de droits de douane à l'arrivée de Donald Trump. Les indices actions bénéficient également de nouvelles informations de presse évoquant la préparation d’une mesure de soutient pour les produits manufacturés en Chine. Cependant, le secteur des services, moins ciblé par les aides gouvernementales, enregistre un ralentissement, selon l'indice PMI Caixin des services de novembre.


Dans les portefeuilles, nous restons bien investis sur les marchés actions avec un score tactique positif, tout en maintenant notre préférence sur les actions américaines. Sur les obligations, nous préservons notre vue positive sur le portage, notamment sur les marchés crédit Investment Grade avec une préférence pour les entreprises européennes qui devraient bénéficier de la poursuite de la baisse des taux directeurs dans le sillage du mouvement de désinflation.


ACTIONS EUROPÉENNES


La France a occupé le devant de la scène politique européenne cette semaine avec la démission du gouvernement Barnier, une situation qui impacte inévitablement les entreprises françaises comme Safran, dont les prévisions jusqu'en 2028 sont revues à la baisse par crainte d'un maintien du budget de défense pour 2025. Malgré cette incertitude politique, l'indice européen a progressé cette semaine, soutenu par les secteurs cycliques tels que l'automobile, suite à la démission de Carlos Tavares, directeur de Stellantis, en raison de divergences avec le conseil d'administration et les actionnaires, un retournement qui intervient alors que le secteur automobile connaît des difficultés accrues. 

Dans le secteur de la technologie, ASML, le leader néerlandais des semi-conducteurs, a conservé ses prévisions de chiffre d'affaires net pour 2025 à 30-35 milliards d'euros malgré les restrictions d'exportation, et estime que la Chine représentera environ 20 % de son chiffres d’affaires. 

Dans le secteur des matériaux, Saint-Gobain a cédé sa filiale de tuyauterie à Bpifrance et à un fonds d'investissement français. Cette cession était très attendue et s'inscrit dans le cadre de son plan stratégique « Grow & Impact ». 
Par ailleurs, les négociations dans le secteur européen de la gestion d'actifs battent leur plein depuis que BNP Paribas a annoncé plus tôt cette semaine son intention d'acquérir la branche de gestion d'actifs d'AXA. C’est désormais Amundi qui souhaiterait racheter Allianz Global Investors, ce qui pourrait donner naissance à une entité gérant plus de 2 700 milliards d'euros d'actifs.
Du côté des rachats, Wordline suscite l’intérêt de sociétés de capital-investissement, dont Bain, en raison de la décote de la société par rapport au secteur des paiements. 


ACTIONS AMÉRICAINES


Cette semaine a été marquée par une nouvelle hausse des marchés : Le Nasdaq 100 a progressé de plus de 2 %, devançant le S&P 500 (+1 %), tandis que le Russell 2000 a enregistré une correction d'environ -2 %. Le mouvement d'élargissement du marché semble faire une pause, alors que l'indice des "Magnificent 7" a de nouveau atteint les sommets de l'été.
À l'approche de la fin de l'année, certaines entreprises continuent de publier leurs résultats trimestriels. Okta, dans le secteur des logiciels, a vu ses actions s'apprécier en bourse malgré des résultats qui reflètent une croissance toujours en ralentissement. 

Dans l’ensemble, la semaine a été positive pour les entreprises du secteur, qui ont vu leur titre s’apprécier grâce à la publication des résultats de Salesforce, qui remonte ses prévisions de croissance, de génération de free cash-flow et de marges pour l’année 2025. Veeva, entreprise spécialisée dans les logiciels de santé, a rassuré avec une forte rentabilité et des perspectives de croissance prometteuses jusqu'en 2030. Cependant, SentinelOne, dans la cybersécurité, a vu son titre corriger en raison de profits inférieurs aux attentes au troisième trimestre. Synopsys, leader des logiciels pour les semi-conducteurs, a annoncé des prévisions de revenus inférieures aux attentes, entraînant un recul sur la chaîne de valeur des semi-conducteurs. 

Du côté des cosmétiques, les résultats d'Ulta ont été positifs, avec une légère
hausse inattendue des ventes, suggérant une reprise plus rapide que prévu pour 2025.

En décembre, de nombreuses entreprises tiennent leur "Investor Day". AT&T a annoncé une accélération de ses investissements dans la fibre, tandis que ZipRecruiter anticipe la persistance des difficultés sur le marché du travail à moyen terme, dues à un manque de confiance des entreprises. Le cours de Toast a chuté en raison de prévisions de marges brutes inférieures aux attentes pour l'année prochaine. L'Investor Day d'UnitedHealth a été assombri par le tragique assassinat du CEO d’UnitedHealthcare, survenu à New York avant la conférence.

Pour finir, des nouvelles positives du côté de Google : Waymo prévoit son lancement à Miami en 2026, au détriment de Lyft et Uber. 

Dans le secteur de la consommation, les ventes en ligne durant la semaine de Thanksgiving ont connu une croissance de 14 %, marquant une saison réussie sur le plan commercial.


MARCHÉS EMERGENTS


L’indice MSCI EM a gagné 2,2 % cette semaine (à la clôture des marchés jeudi). Taïwan et le Mexique ont rebondi par rapport à la semaine dernière, de 6,0 % et 4,2 % respectivement. L’Inde a encore surperformé avec un gain de 2,5 %. Le Brésil et la Chine ont également terminé la semaine dans le vert (+1,1 % et +0,9 %). La Corée a quant à elle reculé de 2,3 % en raison de l’incertitude politique qui règne dans le pays.

En Chine, l’indice PMI officiel et celui calculé par Caixin sont ressortis tous deux au-dessus de 50, notamment à 52,3 pour l’indice composite Caixin, contre 51,9 en octobre. La Conférence économique centrale annuelle doit débuter le 11 décembre, afin de définir les objectifs économiques et les plans de relance pour 2025. La PBoC a fourni de nouvelles informations au marché en décidant de soutenir les prêts destinés aux rachats d’actions et a augmenté le ratio de financement de ces rachats de 70 % à 90 %. Les États-Unis ont annoncé l’ajout de 140 entreprises à leur liste noire commerciale (« Entity List ») afin de restreindre encore davantage le développement de la Chine dans le secteur des semi-conducteurs. La Chine a réagi en interdisant les exportations de certains équipements militaires vers les États-Unis, notamment certaines terres rares qui étaient déjà soumises à des restrictions. Selon les dernières données sur les ventes immobilières, la superficie des terrains destinés aux logements neufs vendus dans 4 villes de premier rang a augmenté de 5 % par rapport au mois de novembre et de 57 % en glissement mensuel. Les ventes de logements neufs dans les villes de deuxième et troisième rangs restent atones, malgré une progression en glissement annuel. Les revenus bruts des casinos de Macao ont augmenté de 15 % en glissement annuel, atteignant 81 % du niveau de 2019. Le deuxième navire d’exportation de BYD a été mis en service et transporte 5 000 véhicules électriques vers l’Europe. 

À Taïwan, Nvidia collabore avec TSMC et d’autres fournisseurs au développement de la puce de nouvelle génération baptisée Rubin, dont la commercialisation doit intervenir en 2026. Selon certaines informations, TSMC redouble d’efforts pour produire des puces Blackwell dans son usine d’Arizona. 
En Corée, le marché a pâti de l’incertitude politique après la brève promulgation de la loi martiale par le président Yoon Suk-yeol. Les données commerciales de novembre ont montré des signes de ralentissement, avec une progression de 1,4 % des exportations, alors que le consensus tablait sur une hausse de 2,8 %.

En Inde, conformément aux attentes, la RBI a décidé de laisser les taux inchangés à 6,5 %, mais a réduit le ratio de réserve en liquidités de 50 pb. La croissance du PIB s’est établie à 5,4 % au troisième trimestre, un rythme plus faible que prévu (6,5 %). Le gouvernement prévoit d’augmenter la taxe sur les produits et services (GST) sur certains produits comme les cigarettes, en introduisant une nouvelle tranche de 35 %.

Au Brésil, les autorités seraient en train de préparer une augmentation de 17 % à 25 % de l’impôt sur la circulation des marchandises et des services (ICMS) pour les achats internationaux. Cette décision répondrait aux demandes des acteurs nationaux du commerce de détail, mais elle aurait un impact direct sur les prix des plateformes internationales comme Shein, Shopee et AliExpress. Le ministère brésilien des Mines et de l’Énergie a nommé Pietro Mendes, président de Petrobras, à un poste de direction au sein de l’ANP, l’autorité de régulation du secteur pétrolier. 

Au Mexique, le gouvernement a annoncé une augmentation du salaire minimum de 12 % pour 2025 afin de lutter contre la pauvreté.

En Argentine, la banque centrale a abaissé son taux directeur de 35 % à 32 % en raison de la baisse des prévisions d’inflation. Il s’agit de la huitième baisse depuis l’entrée en fonction de Javier Milei en décembre 2023.
 


DETTES D’ENTREPRISES


CRÉDIT 
À l'approche de la fin d'année, les flux vers le marché du crédit continuent d'augmenter dans toutes les catégories de notation, avec près de 2 milliards d'euros cette semaine (+1,2 milliard en Investment Grade et +0,5 milliard en High Yield), d'après les tableaux de bord de JP Morgan. Pour l'année 2024, cela représente environ 38 milliards d'euros de flux positifs dans le segment euro Investment Grade et plus de 13 milliards dans le High Yield. Parallèlement, les brokers ajustent leurs bilans pour la clôture de l'exercice fiscal, créant un soutien technique extrêmement puissant en cette fin d'année avec une forte demande d'acheteurs et une offre réduite de vendeurs.

Les primes de crédit reflètent cette tendance, avec les CoCos en euro à 388 pb, soit 10-15 pb de moins que la semaine précédente. Une évolution similaire est observée sur les obligations traditionnelles Investment Grade, avec un spread de 100 pb (-6 pb) et sur le haut rendement à 310 pb (-20 pb sur la semaine). L'activité sur le marché primaire ralentit logiquement.
Au cours de la semaine, l'euro Investment Grade a affiché une performance de +0,18 % (soit 3,93 % depuis le début d'année) et l'euro High Yield a progressé de +0,47 % (+8,5 % YTD).


Achevé de rédiger le 06/12/2024.


GLOSSAIRE


• Les titres « Investment Grade » désignent des titres obligataires émis par des entreprises dont le risque de défaut de paiement varie de très faible (remboursement presque certain) à modéré. Ils correspondent à une échelle de notation allant de AAA à BBB- (notation Standard&Poor’s). 
• Les titres « High Yield » sont des obligations d’entreprises présentant un risque de défaut supérieur aux obligations Investment Grade (ou catégorie investissement) et offrant en contrepartie un coupon plus élevé. 
• La dette senior bénéficie de garanties spécifiques. Son remboursement se fait prioritairement par rapport aux autres dettes, dites dettes subordonnées. 
• La dette est dite subordonnée lorsque son remboursement dépend du remboursement initial des autres créanciers.
• Tier 2 / Tier 3 : segment de la dette subordonnée.
• La duration correspond à la durée de vie moyenne d’une obligation actualisée de tous les flux (intérêt et capital).
• Le spread désigne l’écart entre le taux de rentabilité actuariel d’une obligation et celui d’un emprunt sans risque de même maturité.
• Les valeurs dites «Value » sont considérées comme sous-évaluées.
• EBITDA est l'acronyme de Earnings before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization (en français : résultat d'exploitation avant intérêts, impôts et amortissement). Il mesure donc la création de richesse avant toute charge calculée. Il trouve son équivalent français en l'EBE (Excédent brut d'exploitation).


• Le terme “Quantitative Easing” désigne un type de politique monétaire dit non conventionnel auquel peuvent avoir recours les banques centrales dans des circonstances économiques exceptionnelles.
• Un « stress test » est une techniques destinée à évaluer la résistance d'institutions financières.
• L'indice PMI, pour “Purchasing Manager's Index” (indice des directeurs des achats), est un indicateur permettant de connaître l'état économique d'un secteur. 
• Coco (contingent convertible bonds) : format de dette subordonnée.
• Mortgage : une hypothèque est un instrument financier de garantie d'une dette. 
• Les AT1 font partie d’une famille de titres de capital bancaire connus sous le nom de convertibles contingents ou «Cocos». Convertibles parce qu’elles peuvent être converties d’obligations en actions (ou dépréciées entièrement) et contingentes parce que cette conversion ne se produit que si certaines conditions sont remplies, comme la solidité du capital de la banque émettrice tombant en dessous d’un seuil de déclenchement prédéterminé.


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