Actualité, Analyse de marché
26/11/2024

Depuis son arrivée en 2019 comme directeur général, Christophe Caspar a recentré la maison de gestion sur ses meilleures stratégies. Comme tous les ans depuis 2021, il a engrangé une importante collecte cette année.

La plupart des gestionnaires d'actifs observent toujours une pression sur les frais de gestion, est-ce aussi votre cas ?

L'offre des produits à bas coûts comme les ETF a fortement concurrencé les fonds traditionnels et pesé sur les prix dans le secteur. Mais la gestion active n'est pas perdue pour autant. En affichant de bonnes performances, il est toujours possible de justifier de frais de gestion raisonnables. Notre « track-record » nous a été très favorable ces dernières années, avec 71 % des encours de nos fonds parmi les plus performants sur trois ans dans les catégories Morningstar (1er et 2e percentile).


De quoi continuer de maintenir notre collecte à flot. En près de quatre ans depuis 2021, nous avons collecté près de 12 milliards d'euros, pour 98 milliards d'encours à fin octobre. Sur les dix premiers mois de 2024, la collecte est de 1,5 milliard d'euros, et nous avons signé de gros mandats en cette fin d'année. Notre seuil minimal pour la gestion de mandats est en ligne avec le marché, autour de 50 millions d'euros pour les actions et 100 millions pour les obligations.

Vous aviez été en décollecte en 2019 et 2020, comment expliquez-vous ce retour en grâce ?
Il y a eu, ces dernières années, une polarisation du marché. Certains acteurs se sont engagés dans une course à la taille pour réaliser des économies d'échelle. Nous avons au contraire fait le choix de nous concentrer sur une gamme de produits resserrés, en passant d'une centaine de fonds à une grosse trentaine, par un jeu de fusions et de fermetures de produits, pour ne garder que les meilleures stratégies. Dans cet environnement difficile, nous sommes bien positionnés pour jouer le rôle de consolidateur, sur certaines expertises porteuses.

Nous restons par ailleurs très diversifiés. Notre clientèle de particuliers représente 45 % des encours et les institutionnels 55 %. Ces derniers, par le volume d'affaire qu'ils apportent, ont bien entendu des tarifs préférentiels et sont donc moins rentables, mais compte tenu de leur « due diligence » très exigeante pour sélectionner leur gestionnaire, ils nous poussent à une grande discipline dans les processus d'investissement. Ils nous apportent aussi une certaine stabilité, avec une allocation de long terme, autour de dix ans. Nous encourageons d'ailleurs également nos gérants à conserver un horizon d'investissement long et ne pas céder aux diverses pressions, du marché ou des clients.

Quelles sont aujourd'hui les stratégies les plus prisées ?
Notre allocation d'actifs est également très équilibrée, répartie à parts égales entre le non coté [capital-investissement, immobilier et dette d'infrastructure, NDLR], les actions, les obligations et le multi-asset [qui mixe actions et obligations]. Côté actions, notre fonds big data a doublé de taille en dix-huit mois, et nous attendons beaucoup de notre stratégie Global Resilience, sortie en octobre, en réponse aux défis actuels, avec des valeurs de cybersécurité ou des sociétés dont le site industriel est proche, résistantes en cas de choc mondial géopolitique ou sanitaire par exemple.
Pour ce qui est des obligations, nous avons lancé il y a trois ans une stratégie sur la dette hybride corporate, dont les encours ont aussi été multipliés par deux, en un an. Le fonds est investi dans des dettes subordonnées, qui apportent du rendement, émises par des grands émetteurs de qualité à très faible risque. Ces titres vont d'ailleurs probablement aussi se développer aux Etats-Unis, où dans le sillage de l'Europe, les agences de notation s'apprêtent à les considérer comme des titres hybrides (moitié action, moitié obligation), moins lourds sur le bilan des émetteurs.

Et du côté des actifs non cotés ?
Nous constatons un regain d'appétit, notamment pour la dette d'infrastructure depuis six mois environ, et pour certaines stratégies spécifiques de l'immobilier, comme la logistique de proximité. La dette immobilière a aussi le vent en poupe dans certaines géographies en mal de financement comme l'Allemagne, où les banques se recentrent sur d'autres activités. Alors que notre gestion « liquide » est essentiellement regroupée entre Paris et Genève, les équipes de gestion pour le non coté sont internationales, avec des spécialistes de l'immobilier un peu partout en Europe et une grosse équipe spécialiste de la dette d'infrastructure à Londres.

Propos recueillis par Caroline Mignon pour les Echos