Depuis le début du mois de septembre, la dégradation des marchés obligataires s’est accélérée, avec une soixantaine de points de base de remontée pour le taux 10 ans américain et une quarantaine pour le taux allemand, accompagnée d’un vaste mouvement de repentification des courbes.
Ce regain de tensions ne s’explique pas par la flambée du pétrole, les « points morts » inflation ne grimpant que d’une poignée de points de base. Ni par le fait que les marchés anticipent des banques centrales conservant plus longtemps des taux élevés, les courbes de taux s’étant pentifiées (même sur des points lointains, entre le 5 ans et le 10 ans par exemple) et non aplaties. Il s’explique par une remontée de la prime de terme, variable inobservable mais faisant l’objet de différentes méthodes d’estimations, sensible à de très nombreux facteurs, au point que les mouvements de court terme sont difficiles à expliquer, encore plus à anticiper.
L’ampleur de l’inversion de la courbe des taux, rendant peu attractives les parties longues, ont joué. Au-delà, deux écoles s’affrontent parmi les investisseurs pour justifier un tel mouvement : d’un côté l’intégration du fait que les banques centrales vont conserver durablement des taux d’intérêts au sommet actuel, voire un peu plus haut, de l’autre la persistance de déficits publics extraordinairement élevés, comme aux États-Unis (autour de 8% du PIB) qui ne prennent pas sérieusement la voie de la réduction. Soyons honnêtes, aucune de ces interprétations n’est pleinement satisfaisante : les mouvements de prime de terme sont normalement déconnectés des anticipations de politique monétaire, et si la remontée des taux longs était liée à une crise larvée du financement du déficit américain, elle rime alors mal avec la vigueur du dollar qui s’est exprimée durant l’exercice.
Nous identifions donc ici une inconnue dans le mouvement récent mais gageons que la fin de la très forte inversion de la courbe des taux américaine, le mouvement de désinflation et le soft landing à venir permettront aux marchés de taux de retrouver un équilibre. Par ailleurs, le fait que certains membres de la Fed constatent officiellement que la hausse des taux longs réduit la nécessité de poursuivre le resserrement monétaire alors même que l’emploi américain reste très dynamique est de nature à stabiliser les marchés. Enfin, le retour de la guerre en Israël devrait conduire à favoriser les emprunts d’État, en dépit des nouvelles tensions sur les cours du pétrole. Dans ce contexte, nous continuons de surpondérer les obligations.
La remontée des taux longs écrase les primes de risque
A l’approche de la publication des résultats des entreprises du troisième trimestre, le constat est que non seulement la hausse des taux longs a écrasé la prime de risque, montrant que les marchés d’actions offrent à terme peu de potentiel en comparaison des marchés obligataires, mais elle ne s’est pas encore propagée à l’ensemble de l’économie.
Ainsi, selon une étude assez récente de la Réserve Fédérale1, du fait du resserrement monétaire, environ 37% des entreprises (très vraisemblablement des PME non cotées pour l’essentiel) d’un échantillon très significatif seraient financièrement distressed. On estime aux États-Unis que le coût du crédit bancaire pour une PME tourne autour de 9%, d’un mortgage 30 ans à pratiquement 8%, et le taux moyen d’un crédit en lien avec une carte bancaire s’élève à 23%. Les effets de la hausse de taux se diffusent à l’économie de façon hétérogène mais globalement assez lentement. Nous percevons donc des sources d’instabilités potentielles. Par exemple, quand le ralentissement américain s’amorcera, les entreprises devront gérer celui de leurs chiffres d’affaires tandis que leurs charges financières continueront d’augmenter. Enfin, après une hausse du taux 10 ans de presque 1% depuis le début de l’été, on ne saurait exclure des accidents du type Silicon Valley Bank.
Au vu de tous ces éléments, nous maintenons une allocation plutôt prudente, surpondérant les obligations et sous-pondérant légèrement les actions. Les récents événements géopolitiques au Moyen-Orient et le risque de contagion du conflit militent également pour une certaine prudence. Nous privilégions les thématiques du Big Data afin de profiter de la diffusion à l’économie de la révolution de l’intelligence artificielle après le boom du secteur technologique. Nous favorisons aussi le secteur santé, en retard en termes de performances, bénéficiant de nombreuses percées thérapeutiques et adapté à un environnement économique plus difficile. Au sein du marché obligataire, nous continuons à privilégier au sein des entreprises européennes l’univers Investment Grade et le High Yield de qualité.
1. Ander Perrer-Ovine & Yannick Timmer : "Distressed firms and the large effects of monetary policy tightenings”, Juin 2023, Fed Economic Research.
A retenir
- Nous continuons de surpondérer les obligations par rapport aux actions
- Nous favorisons au sein des entreprises européennes l’univers
- Investment Grade et le High Yield de qualité
- Nous privilégions les thématiques du Big Data et de la santé