Après les événements bancaires de ces trois dernières semaines, rien ne permet d’affirmer qu’il y a contagion de la « crise bancaire » aux États-Unis mais plutôt pour l’heure des tensions relativement contenues sur les petites banques. Les données hebdomadaires publiées par la Réserve Fédérale arrêtées au 15 mars, et donc les premières suivant la mise sous tutelle de Silicon Valley Bank (SVB) et de Signature Bank, font état de sorties de dépôts des petites banques (celles qui ne sont pas dans le Top 25 par la taille de leur bilan) de 108 milliards de dollars (un peu moins de 2% de leurs dépôts) en une semaine, incluant celles de Signature Bank qui en expliquent certainement une bonne partie.
Notons toutefois que la situation de First Republic Bank reste encore incertaine mais les autorités ne ressentent pas l’urgence de la mettre sous tutelle. Les grandes banques ont quant à elles reçu 120 milliards de dollars de dépôts. Dans les autres pays, il faudra attendre la publication de nouvelles statistiques pour se faire une idée du risque de contagion.
Vers un resserrement du crédit bancaire
Il y aura un avant et un après la « crise bancaire » déjà traversée : a minima, l’octroi de crédit, que les banques commerciales annonçaient resserrer (Fed Loan Survey et ECB lending survey) en amont de cette crise le sera sans aucun doute en aval. Soit parce que la concurrence des fonds monétaires dans un contexte de taux plus élevés accélère la fuite des dépôts, soit parce que l’épisode déjà vécu sans même préjuger de sa suite appelle à une politique d’octroi de crédit plus prudente.
La concurrence des fonds monétaires
Aux États-Unis, depuis un an, les dépôts auprès des banques ont fondu de 700 milliards de dollars, soit pratiquement de 4% pour le plus grand profit des encours des fonds monétaires qui ont progressé de 557 milliards, du fait de rendements supérieurs aux dépôts pour une très haute liquidité et sécurité. Au regard de la récente remontée des taux monétaires, du peu d’empressement que pourraient avoir les grandes banques à rémunérer significativement plus leurs dépôts d’autant plus qu’elles bénéficient de transferts de dépôts des petites banques, il est probable que ce mouvement se poursuive.
La hiérarchie de la structure de capital bancaire écornée
L’amortissement total des AT1 de Credit Suisse fait courir le risque d’une baisse de visibilité sur la classe d’actifs des dettes bancaires subordonnées. Il n’est jamais évident d’expliquer qu’une banque qui avait de bons ratios de solvabilité et de liquidité aux dernières nouvelles puisse voir son capital social écrasé en un week-end avec une accélération des sorties de dépôts. Enfin, comment justifier que la dette AT1 ait pu être « juniorisée » par rapport aux actions ? Il était important et utile que les régulateurs européens et britanniques rappellent que cette dernière option est impossible dans leurs juridictions respectives. Vendredi 24 mars, Deutsche Bank était victime d’une attaque spéculative sans origine particulière alors même que la banque affiche une poursuite du redressement de ses fondamentaux mais la journée du lundi effaçait pratiquement la baisse du vendredi. En tout état de cause, si les banques deviennent plus circonspectes quant à l’extension de leur passif, elles le seront de fait concernant leur actif.
D’une crise du passif à une crise de l’actif ?
Il n’y a pas de crise à l’actif des banques. S’il y a certes des moins-values sur leurs portefeuilles obligataires ayant déstabilisé les banques ayant mal géré le risque de duration comme SVB, nous sommes dans un régime de taux de défaut bas. La problématique est aujourd’hui essentiellement sur le passif des banques avec des sorties liées à la rémunération du marché monétaire ou à la perception intrinsèque du risque de la banque par les clients. La crainte est que le resserrement prévisible de l’octroi de crédit soit suffisant pour générer une forme de credit crunch, avec une remontée des taux de défaut et donc une crise à l’actif à la clé.
L’exemple le plus frappant est l’immobilier commercial américain : les petites banques financent près de 80% du crédit bancaire à ce secteur qui représente 29% de leurs actifs. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur ce risque car il est à ce stade difficile de savoir à quel point les banques vont resserrer l’octroi de crédit. Il faudra le surveiller de près.
Les banques centrales se réservent un peu plus d’optionalité
La Fed comme la BCE conservent un biais au resserrement monétaire, mais suite à leurs derniers comités de politique monétaire, se réservent la capacité de pouvoir attendre. Il n’est pas question pour elles de relâcher la politique monétaire, surtout dans un contexte où les pressions inflationnistes restent fortes. Pour autant, le marché anticipe dès le mois de juin un mouvement de 80 points de base de baisse de taux directeurs de la Fed d’ici janvier. Ce pricing montre que les investisseurs ne tablent pas sur un seul scénario mais probabilisent le risque de contagion d’une crise bancaire qui susciterait alors vraisemblablement bien plus de baisses de taux. Schématiquement, soit la crise bancaire se résorbe et la Réserve Fédérale n’a aucune raison de baisser les taux ces prochains mois - elle pourrait même les monter un peu davantage – soit la crise s’étend et il faudra envisager de fortes baisses de taux. La volatilité des taux d’intérêts qui avait fortement remonté ces dernières semaines a donc toutes les raisons de rester soutenue, les taux anticipés actuellement ne correspondant à aucun équilibre crédible au regard de la persistance actuelle de l’inflation.
La volatilité des taux réduit enfin la volatilité des performances des investissements en crédit
La très forte détente des taux sur la courbe durant la crise bancaire a protégé tout ou partie de l’effet négatif sur la performance de l’écartement des spreads de crédit selon la typologie de l’instrument. Le fait d’avoir retrouvé un niveau plus élevé de taux d’intérêt redonne donc une protection : si nous devions partir dans une crise bancaire, le credit crunch associé réglerait très vraisemblablement en quelques mois la problématique de l’inflation trop élevée de court terme. Nous continuons donc à privilégier le thème du portage dans nos allocations. Nous réviserions notre jugement s’il devait y avoir une poursuite de la contagion bancaire ou un rationnement du crédit bancaire trop drastique.
Un peu plus prudent sur les actions
Même s’il ne devait pas y avoir de contagion de la crise bancaire, le durcissement de la politique d’octroi de crédit qui devrait suivre malgré tout augmente le risque de récession. On ne saurait exclure le fait que le très fort resserrement monétaire de ces derniers trimestres suscite d’autres dommages que la crise du passif évoqué. Nous préférons donc être un peu plus prudents sur cette classe d’actifs. Au sein des marchés d’actions, nous privilégions la Chine, qui en dépit d’un redémarrage de l’activité plus poussif qu’attendu et d’un environnement géopolitique toujours instable, tire parti du soutien des autorités et d’une absence de tensions inflationnistes. Nous favorisons aussi la thématique de la santé, un secteur assez éloigné des problématiques actuelles et qui bénéficie de valorisations plutôt attrayantes et de perspectives favorables, de même que celle de la transition énergétique.
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