Actualité
29/03/2022

Après le mouvement de repli initié à la suite de l’invasion de l’Ukraine, les actifs risqués reprennent des couleurs depuis le 8 mars, propulsant les grands indices actions à des niveaux proches ou supérieurs à ceux qui prévalaient avant la guerre.

Les raisons du rebond

Toutes les parties autour de ce conflit s’efforcent de conserver sa dimension locale, évitant soigneusement la contagion. Les pays de l’OTAN exploitent leurs marges de manœuvre tout en écartant toute action qui les qualifierait de cobelligérants. La Chine n’apporte pas ouvertement son soutien à la Russie et cette dernière n’a pas lancé de cyberattaque généralisée. Elle continue même de payer les coupons de sa dette libellée en dollars en dépit des sanctions. 

Par ailleurs, les autorités chinoises ont procédé à une série de déclarations visant à rassurer les investisseurs sur de nombreux sujets (la situation de l’immobilier et des promoteurs, la politique zéro-Covid, leur intérêt quant au statut des ADR - American Depositary Receipts…).

Enfin, la Fed a réactualisé drastiquement son jeu de prévisions sur la croissance, l’inflation et les taux d’intérêts. L’action de la banque centrale étant un sujet d’inquiétude dans ce contexte inflationniste à l’approche du FOMC, on observe comme un soulagement une fois l’échéance passée.

La Fed va rester un problème pour les marchés

Nous n’avons pas pour autant modifié notre allocation d’actifs dans cette séquence et préférons conserver un biais plutôt défensif. En effet, l’enlisement de la situation en Ukraine ne garantit en rien que sa dimension strictement locale soit éternellement figée. Par ailleurs, si les indices actions retrouvent des niveaux proches ou supérieurs à ceux qui prévalaient avant l’invasion, le Brent a bondi de plus de 25% et les prix des biens agricoles ont fortement augmenté (S&P Agriculture en hausse de près de 10%). Cette nouvelle flambée des prix des matières premières se produit dans un contexte où l’on commence à observer quelques signes de désancrage des anticipations d’inflation aux États-Unis, non pas au niveau des enquêtes auprès des ménages (Fed NY, Université du Michigan) mais au niveau des marchés financiers. Les points morts des obligations indexées à l’inflation à 10 ans aux États-Unis se synchronisent de plus en plus aux mouvements des obligations indexées de plus court terme depuis le mois de février.

Dans ce contexte, la réactualisation du scénario de la Fed mi-mars montre cette fois-ci un resserrement monétaire envisagé plus drastique, au-delà du « taux neutre », pour contenir l’inflation. On peut cependant à nouveau s’interroger sur la pérennité du scénario. D’un côté, Jerome Powell reconnaît, et c’est nouveau dans le discours de la Fed, que le marché du travail est très et probablement trop tendu tandis que de l’autre, la banque centrale prévoit que le taux de chômage se stabiliserait à des niveaux (3.5%-3.6%) encore plus faibles qu’aujourd’hui. Autrement dit, au-delà du ralentissement de l’inflation espéré au cours de la normalisation progressive de la chaîne de production mondiale, est-il possible de revenir à un régime d’inflation stable si l’économie demeure au-delà du plein emploi ? Au sein du scénario de la banque centrale, nous voyons ici une porte ouverte à la révision vers plus de resserrement monétaire que ce qui est envisagé actuellement par l’institution et les investisseurs, d’autant plus que la lutte contre l’inflation fait l’objet d’un consensus politique très fort et est partagé par la Fed.

La courbe américaine est déjà pratiquement inversée alors que le resserrement monétaire ne fait que commencer

À l’heure où certains segments de la courbe américaine sont déjà inversés, on ne peut exclure que les marchés anticipent le risque que la Fed doive casser la reprise pour reprendre le contrôle de la dynamique inflationniste. Enfin, gardons à l’esprit que la Fed devrait mettre prochainement en oeuvre une politique de quantitative tightening (dont le timing et les modalités restent encore à définir) qui devrait se traduire, comme la fois précédente, par un durcissement des conditions financières.

Ne pas céder à l’excès de prudence

Il serait un peu rapide de considérer que la forte hausse des taux observée ces dernières semaines et le nouveau scénario de la Fed prenant cette fois-ci en compte un programme plus sérieux de lutte contre l’inflation permettent de clore l’épisode observée en début d’année. La pression haussière sur les taux réels persiste tandis que la liquidité va se tarir. D’autres impacts concernant potentiellement toutes les classes d’actifs restent à craindre.

Si pour l’heure, le risque de contagion de la guerre en Ukraine semble s’être réduit et qu’il y a bien des négociations entre les deux parties pour trouver une issue, la résolution n’est toujours pas sur la table et l’enlisement du conflit pèse sur la croissance et gonfle le prix des matières premières à un moment critique pour l’inflation.

Techniquement, le rebond de marché s’est trouvé accompagné de beaucoup de rachats de positions vendeuses (levée de protections), laissant le marché moins couvert et donc plus vulnérable à un environnement ni stabilisé sur les questions géopolitiques ni sur la problématique inflationniste, ce qui confirme à plus court terme les raisons d’une certaine prudence.

Après avoir insisté sur les risques liés à cet environnement, rappelons aussi que même en anticipant une nette révision à la baisse de la croissance européenne, la reprise mondiale devrait rester soutenue cette année, notamment aux États-Unis alors même que la dynamique chinoise devrait repartir peu à peu. Ce contexte de croissance mondiale accompagne historiquement des performances plutôt flatteuses sur les marchés, nous invitant à ne pas céder non plus à l’excès de prudence. 

En début d’année, nous étions convaincus que 2022 serait l’année des actions européennes et attendions d’avoir plus de visibilité sur l’Ukraine pour surpondérer la classe d’actifs. Nous n’en avons toujours pas et la reprise européenne est compromise. Nous restons donc sous-pondérés. Nous surpondérons toujours les actions chinoises, cherchant à mettre à profit le faible niveau de valorisation de ce marché, une meilleure gestion de l’impact de la politique anti-Covid sur l’activité ainsi que la plus grande détermination des autorités à stabiliser la confiance des investisseurs. Nous restons plutôt défensifs sur la classe d’actifs obligataire.