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29/01/2024

De la première COP de Berlin en 1995 à la COP28 de Dubaï fin 2023, la transition environnementale s’est accélérée. Même si beaucoup de travail reste à faire, de nouvelles dynamiques sont à l’œuvre afin d’atteindre des objectifs climatiques ambitieux. En effet, le passage à une économie plus durable a entraîné une transformation en profondeur des industries, notamment au niveau de l’énergie, mais aussi une évolution dans les métiers de l’investissement. Dans ce cadre, l’avènement du renouvelable et des technologies vertes s’est accompagné de nombreuses innovations créatrices de valeur. Il a aussi donné naissance aux principes de durabilité financière auxquels adhèrent un nombre croissant d’acteurs. Malgré cela, la production de gaz à effet de serre peine à être contenue. Comment alors exploiter les opportunités offertes par la chaîne d’approvisionnement de la transition environnementale ? Entre frein et catalyseur : état des lieux de la situation.

LE PARADOXE DU SECTEUR

À l’occasion du Sommet sur l’ambition climatique qui s’est tenu à New York en septembre 2023, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, a une nouvelle fois alerté les États et les acteurs économiques face à leur dépendance aux combustibles fossiles. Il a réaffirmé la nécessité de faire baisser la demande tout en accélérant la révolution vers des énergies renouvelables. Pourtant, la prise de conscience existe. Le changement climatique est au cœur des plans de relance publics et 80% des acteurs de l’économie mondiale se sont engagés à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050-2060. Mais pourquoi le monde est-il si lent à agir ?

Si la volonté politique et les troubles géopolitiques endossent une certaine responsabilité dans la lenteur des avancées en matière de transition environnementale, l’environnement macro-économique joue aussi sa part. C’est là tout le paradoxe du secteur. Un paradoxe qui ne facilite pas la tâche des investisseurs engagés dans cet univers avec des titres qui rencontrent des problèmes de valorisation et des projets qui ont de la peine à décoller ou à être rentables. On le voit par exemple avec l’éolien offshore dont le coût actuel du kWh revient pratiquement au double de celui de l’éolien onshore. L’inflation apparue en marge de la pandémie de COVID-19 en est l’une des causes. Mais il y en a d’autres. Sans oublier dans le calcul la montée des taux qui vient encore perturber le jeu.

AVOIR DES CONVICTIONS SUR LA MATURITÉ DES TECHNOLOGIES

Malgré cela, la Banque Edmond de Rothschild reste convaincue que pour atteindre la neutralité carbone, il faudra tripler le rythme actuel des investissements dans la transition écologique. Ce chiffre colossal fera de ce thème la locomotive des investissements et donc de la croissance pour les prochaines décennies. Dans ce cadre, l’innovation et le long terme auront leur mot à dire, mais il faudra s’assurer d’avoir en portefeuille un bon mix entre les acteurs bien établis, les leaders de demain et les facilitateurs, à savoir tous ceux qui, de près ou de loin, soutiennent la thématique et intègrent les risques et les opportunités climatiques. 

Pour identifier les bonnes entreprises, les bonnes technologies et les bonnes innovations, il est capital de s’intéresser aussi à la maturité d’un projet économique, qu’il concerne les énergies renouvelables, l’économie circulaire, l’efficience énergétique, les véhicules électriques, ou tout autre sujet en lien avec la transition environnementale. La maturité va en effet grandement déterminer la pertinence d’un investissement.

L’INNOVATION AU SERVICE DE LA CROISSANCE

Si l’on reprend l’exemple de l’éolien offshore, aujourd’hui très coûteux, il pourrait à terme gagner en rentabilité grâce au développement d’éoliennes offshore flottantes, moins gourmandes en infrastructures et plus performantes en matière de rendement énergétique (50% contre 35% actuellement). De son côté, l’histoire du solaire illustre parfaitement comment les avancées technologiques peuvent soutenir l’accélération de la transition. En l’espace de 20 ans en effet, le coût d’un panneau photovoltaïque a été divisé par 300 grâce à plusieurs innovations. Depuis 2022, le photovoltaïque est même devenu moins cher que le gaz en termes de production électrique (20-30 € contre 50-60 € /MWh). La Chine joue, dans ce cadre, le rôle de locomotive. Passée d’un modèle dépendant des subventions à un modèle plus durable, axé sur le marché, l’industrie solaire chinoise peut se prévaloir d’un avenir solide. Et les innovations en cours devraient encore offrir de nouvelles opportunités de croissance. 

Si l’inflation pèse sur le développement de certains projets, occasionnant un ralentissement de la croissance chez de nombreux acteurs, d’autres événements peuvent également agir comme catalyseurs. La guerre en Ukraine qui a stoppé l’approvisionnement européen en gaz bon marché en est un. Cette tragédie, qui a relancé le débat sur la souveraineté énergétique, nous a également obligés à imaginer des parades de substitution. En France, par exemple, nous savons que 10% des besoins pourvus par le gaz pourraient être remplacés par la récupération – à moindre prix – du méthane de décharge ou du gaz de putréfaction. Ici, l’innovation pourrait à nouveau venir à la rescousse. L’émergence des biofuels l’illustre également – comme le biocarburant de seconde génération ou le diesel renouvelable (fabriqué à partir d’huiles usagées et de carcasses d’animaux) –, car cela permet d’introduire de nouvelles circularités au niveau des déchets. Évidemment, on pourra nous opposer que cette technologie coûte deux fois plus cher que les hydrocarbures, mais elle n’en demeure pas moins prometteuse. Elle souligne en tout cas toute l’importance des États, aux côtés des investisseurs privés, dans le jeu du financement de la transition environnementale. À l’image de l’Union européenne qui, à travers son plan RePowerEU, soutient la diversification des sources d’énergie, l’augmentation du renouvelable et davantage d’efficacité énergétique. On pourrait encore citer ici l’Inflation Reduction Act (IRA) aux États-Unis qui permet, via des subventions, de lutter, entre autres, contre le réchauffement climatique. Ces impulsions sont réjouissantes. Car plus il y a de soutiens, plus il y aura d’innovations et à terme de croissance. D’où l’importance de continuer à investir de manière durable et responsable afin de soutenir cette trajectoire à 2°C que la grande majorité appelle de ses vœux. 

Mais attention ! Tout ce qui est vert n’est pas forcément profitable ou rentable. Certaines technologies sont en effet trop précoces, peu matures, ou encore insuffisamment pertinentes. Cela ne doit toutefois pas limiter notre vision ni nos investissements. La transition environnementale est bien sûr un défi, mais aussi un moteur d’innovation et de création de valeur. Voilà pourquoi il est si important aujourd’hui d’orienter les flux financiers vers des solutions durables en intégrant des critères ESG stricts. Ce n’est qu’à ce prix que nous répondrons aux changements sociétaux, environnementaux et technologiques auxquels nous faisons face.  

Par Alexis Bossard et Bing Yuan, gérants Actions internationales.

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