Actualité
25/11/2021

Un consensus se dégage autour des exigences auxquelles un investissement à impact doit satisfaire. Elles sont au nombre de trois : l’intentionnalité, l’additionnalité et la mesure de l’impact.

Revenons quelques années en arrière. L’investissement à impact est né il y a environ une génération en Amérique du Nord dans l’univers des actifs réels tels que le private equity, les infrastructures ou encore l’immobilier. On comprend bien cette genèse liée aux actifs illiquides. L’exigence d’additionnalité, plus facile à démontrer dans les actifs réels, est en effet un exercice bien plus compliqué du côté des actifs liquides. Pour les actions cotées en Bourse, la dette d’entreprises ou encore la dette souveraine, l’intentionnalité peut être établie. L’intégration d’un objectif social et/ou environnemental ex ante dans le processus d’investissement d’un fonds, qui va s’appliquer à l’occasion de chaque investissement, est de plus en plus répandue, en particulier dans les fonds classés article 9 selon le règlement européen SFDR de mars 2021. Pour un fonds thématique actions ou obligataire du type « green bond », l’intentionnalité est même naturelle et facile à évaluer. Le gérant d’un fonds thématique actions tourné vers les solutions en matière de durabilité pourra s’appuyer sur un ou plusieurs des 17 objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies à l’horizon 2030. Il pourra aussi s’engager à aligner son portefeuille avec l’Accord de Paris en matière de climat. La mise en place de la taxonomie verte de l’Union européenne à partir de 2022 va faciliter ce suivi pour les objectifs environnementaux. Le volet social n’est pas en reste avec des thématiques telles que le capital humain, l’éducation ou encore la santé. 

Un accès inégal à l’information

La question de la mesure de l’impact s’avère plus compliquée à aborder dans les actifs liquides par rapport aux actifs réels car, pour des raisons de proximité, l’accès à la donnée est souvent plus difficile. Prenons l’exemple du suivi de la création nette d’emplois. Un investisseur de private equity pourra appeler le patron d’une PME dans laquelle il investit et obtenir l’information dans la journée. A l’inverse, très rares sont les entreprises cotées en Bourse ou émettrices d’obligations qui communiquent cette information. L’investisseur devra alors le plus souvent faire ses propres estimations.

Bonne nouvelle malgré tout pour les investissements dans les actifs liquides : l’accès à l’information en lien avec les critères ESG pertinente, consolidée et pérenne se développe année après année et facilite progressivement la mesure de l’impact grâce des indicateurs variés comme les émissions de gaz à effet de serre (GES) relatives aux scopes 1,2,3 et évitées, le pourcentage de femmes dans les comités exécutifs des entreprises ou encore le taux d’imposition effectif en matière de fiscalité. Il reste encore de nombreux objectifs à mesurer comme la biodiversité mais les progrès des 10 dernières années sont considérables. 

Des pistes pour prouver l’additionnalité

Reste le mur de l’additionnalité. Il s’agit en l’espèce de pouvoir répondre à la question : si l’actif n’avait pas été financé par tel investisseur en particulier, que se serait-il passé, quelle serait la différence ? Contrairement aux gestionnaires de fonds illiquides, un gérant de fonds liquide ne peut par définition pas s’engager à l’avance sur une période précise de détention d’un actif particulier. Sa responsabilité fiduciaire est d’ailleurs en jeu. Il lui est dès lors difficile de prouver l’additionnalité de son investissement.

Contrairement aux actifs illiquides, il n’est pas à l’origine de la construction d’un parc d’éoliennes (infrastructure verte) ou d’un bâtiment à énergie positive (green building). Dans l’immense majorité des cas, un investisseur aura détenu cet actif avant lui et le détiendra après lui. 

Certaines approches témoignent néanmoins d’une démarche proactive. En participant par exemple à une introduction en Bourse ou à une émission primaire de dettes et en conservant ses titres pendant plusieurs années (faible rotation, gestion « long only »), l’investisseur démontre en pratique cet esprit d’additionnalité. Autre piste intéressante, le dialogue et l’engagement. Individuels ou collectifs, ils permettent de viser une amélioration de la transparence du respect des critères ESG, de la performance opérationnelle et même des transformations stratégiques d’un émetteur, dans l’intérêt de l’ensemble des parties prenantes. 

Enfin, une dernière approche consiste à partager ses avancées avec l’ensemble des acteurs et de contribuer à des initiatives publiques comme privées pour favoriser les progrès au niveau local (France, Suisse…), régional (Europe) ou global. Il s’agit d’ailleurs d’un des six engagements pris dans le cadre des Principes pour l’Investissement Responsable (PRI), réseau d’investisseurs soutenu par les Nations Unies. Les résultats obtenus dépassent alors largement le périmètre d’origine circonscrit au simple montant investi par un seul investisseur. 

Si l’investisseur dans les actifs liquides rencontre davantage de difficultés que dans l’univers des actifs réels pour mesurer et piloter le couple rendement/risque financier mais aussi l’empreinte sociale et environnementale de ses placements, sa feuille de route est claire : générer un impact positif tangible sur le monde dans lequel nous évoluons.

Par Jean-Philippe Desmartin, Directeur de l’Investissement Responsable, Edmond de Rothschild Asset Management.

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